"C'est même plus beau! dit le baron. Leur petit carré n'a pas été enfoncé, à eux, à ces Onze! Et ce sont eux au contraire qui ont enfoncé le grand carré des paysans, qui les tenaient de tête, de queue et des deux flancs [...] Le Diable m'emporte c'est plus beau!"
Anatole France a mille fois raisons de dire du bien de ce livre. Le Chevalier des Touches, roman de Barbey d'Aurevilly ressuscitent les fantômes du passé de la Chouannerie, épisode sanglant de l'après 1789. La chouannerie, faut-il vous rappeler ce que c'est?
La chouannerie comme le définit l'Encyclopedia Universalis désigne "une série d'insurrections et de mouvements contre-révolutionnaires qui affectent l'ouest de la France. L'origine de ces chouanneries – on peut en parler au pluriel – est le mécontentement des ruraux devant les mesures politiques et religieuses de la Révolution française prises après 1791. Des communautés rurales refusent, dès 1791-1792, la création de l'Église constitutionnelle et la vente des biens de l'Église, et se montrent jalouses de leur indépendance vis-à-vis des administrateurs des districts et des départements. Ce mouvement débouche en Bretagne sur de véritables insurrections locales, dans le Finistère, dans le Morbihan, en Loire-Inférieure, entraînant parfois morts d'hommes."
Le "parfois" usité par l'encyclopédie m'apparaît à la limite de l'insulte ici car lorsqu'on lit le Chevalier des Touches, on comprend qu'il s'agit d'un vilain euphémisme. En effet, dans ce roman de capes et d'épées, les embuscades, les ruses, les assauts, les prouesses héroïques des Nobles chouans constituent toute la trame romanesque de ce livre.
Pour vous donner un aperçu des péripéties de ce livre, sachez que l'histoire se passe au début du XIXe siècle, donc à la fin de la chouannerie et sous l'Empire. L'histoire en elle-même se déroule dans la petite ville de Valognes, auprès d'un feu qui rassemble deux vieilles filles nobles: les Touffedelys, Mademoiselle Percy et enfin en ce qui concerne la gente féminine Aimée de Spens qui fut "Longtemps l'Astre du jour" mais qui demeur toujours "l'astre des nuits", et deux vieux gentilshommes: le Baron de Fierdrap et l'Abbé Percy. La rencontre par l'Abbé de Percy avec le Chevalier des Touches que tout le monde croyait jusqu'ici mort pousse une des deux soeurs Touffedelys à raconter la vie singulière de ce héros de la Chouannerie.
L'histoire de Mlle De Touffedelys, qui avait pris une grande part aux actions de la guerre, raconte comment Douze Nobles avaient enlevés des Républicains ceux que tous appelaient pour sa beauté la "Belle Hélène". Mais le Chevalier des Touches était aussi courageux, brave, téméraire, fort et malin qu'il n'était beau! Ne parler de sa beauté ne serait qu'une insulte à cette grande personne.
Ce livre m'a fortement impressionné d'autant plus que j'apprécie les romans historiques de l'Ancien Régime jusqu'à la fin du XIXe siècle. J'irais même bien jusqu'à plagier Anatole France en lui reprenant sa formule pour décrire son impression vis-à-vis de ce roman "Ce livre me donna le frisson". Par conséquent, je vais seulement me permettre de recommander fortement ce livre à tous les férus de romans de cape et d'épée en espérant que la vive bouffée d'adrénaline que j'ai ressenti parcourt leur échine à leur tour.
Aymeric